sábado, 4 de abril de 2009

A França - laboratório da crise econômica

Prof Farlei Martins, da Ucam, doutorando de direito da puc-rio envia a seguinte notícia




Le Monde, 04.04.2009

Après 1789, 2009 ?
Sophie Wahnich

La Révolution française, vingt ans après le bicentenaire, affleure à nouveau
dans les discours publics. Le président de la République de reconnaître que
ce n'est pas facile de gouverner un "pays régicide". Alain Minc de mettre en
garde ses "amis de la classe dirigeante" en rappelant que 1789 a commencé en
1788 et qu'il faut sans doute savoir renoncer à certains privilèges.
Jean-François Copé de déplorer "la tentation naturelle de refaire en
permanence 1793".


Ces énoncés témoignent pour le moins d'une inquiétude : le peuple français
ne se laisse pas si facilement gouverner, il a su et saurait peut-être à
nouveau devenir révolutionnaire, voire coupeur de têtes. Parler de la
Révolution française vise soit à la congédier en affirmant qu'on ne laissera
pas faire à nouveau, soit à en faire le lieu d'une expérience utile pour ne
pas répéter les erreurs passées. La violence doit aujourd'hui pouvoir rester
symbolique et ne pas atteindre les corps. Pour ce faire, il faut savoir d'un
côté la retenir, et de l'autre tarir les sources de son surgissement.

Retenir la violence, c'est là l'exercice même du maintien de l'ordre. Or il
n'appartient pas aux seules "forces de l'ordre". Les révolutionnaires
conscients des dangers de la fureur cherchent constamment des procédures
d'apaisement. Lorsque les Parisiens, le 17 juillet 1791, réclament le
jugement du roi, ils sont venus pétitionner au Champ-de-Mars sans armes et
sans bâtons. L'épreuve de force est un pique-nique, un symbole dans l'art de
la politique démocratique.

Aujourd'hui, les mouvements sont non violents, ils inventent, comme de 1790
à 1792, des formes qui permettent de dire la colère tout en retenant la
violence. Les manifestations et les grèves encadrées par les syndicats et
les coordinations relèvent de cette tradition, mais on peut aussi voir des
occupations avec pique-nique, un "printemps des colères" qui propose en même
temps une guinguette. On lit La Princesse de Clève dans un vaste relais de
voix devant un théâtre public.

Or ces outils de l'auto-retenue de la violence peuvent être mis à mal par
les forces de l'ordre quand elles usent de la violence répressive sur les
corps. Ici encore, ce n'est pas sans rappeler la violence exécutive qui
surgit contre les corps désarmés de la foule. Le 17 juillet 1791, certains
sont morts dans une fusillade sans sommation, aujourd'hui certains perdent
un oeil dans un passage à tabac, des enfants rentrent chez eux traumatisés,
des manifestants sont interpellés et jugés pour rébellion.

Enfin cette auto-retenue peut céder si ceux à qui est adressée la demande de
nouvelles lois n'entendent pas ces émotions disruptives que sont la colère,
l'indignation et même l'effroi lié à la crise. Le désir de lois protectrices
est au fondement du désir de droit. Le gouvernement joue avec le feu en
refusant de traduire dans les faits cette demande populaire. Elle incarne un
mode spécifique de la souveraineté en France : la souveraineté en actes. La
disqualifier au nom de la seule démocratie représentative, c'est fragiliser
encore davantage un pacte social d'unité déjà exsangue.

En effet, plus on s'éloigne de l'élection présidentielle, et plus la
nécessité pour un président de la République de représenter le pays tout
entier, réuni après la division électorale, semble négligée, voire méprisée.

Loin de tenir compte des attentes du camp adverse, notre gouvernement n'a
pas non plus tenu compte de son propre camp, à qui il avait promis un
meilleur niveau de vie. Aujourd'hui, la crise s'installe. Les effets sociaux
et politiques du bouclier fiscal sont devenus lisibles. On assiste à une
volonté de réformer le système éducatif français sans concertation et les
réformes sont vécues comme des démantèlements purs et simples. Une dette
d'honneur et de vie pourrait opposer frontalement deux groupes sociaux
antagonistes et diviser profondément la société.

Dette d'honneur, car l'électorat a été trompé par un usage sans vergogne du
registre démagogique et que, maintenant, il le sait. Dette d'honneur, car le
refus de concertation prend appui sur la valeur supposée des résultats
électoraux en démocratie. Effectivement, Nicolas Sarkozy a été bien élu, et
la valeur donnée au rituel se retourne contre ceux mêmes qui y ont cru, dans
toutes les catégories sociales révoltées. Enfin, "dette de vie", car
aujourd'hui le travail et l'éducation nationale sont vécus comme des "points
de vie" qui semblent disparaître sans que les plus riches semblent s'en
soucier, avouant une absence totale de solidarité dans la crise.

Le mot d'ordre qui circule "nous ne paierons pas votre crise" met en
évidence cette division sociale entre un "nous", les opprimés, et un "vous",
les oppresseurs. Mais elle a surgi également dans l'enceinte de Sciences Po
Paris. Des étudiants de l'université étaient venus chercher des alliés dans
cette maison. Ils ont été éconduits et parfois insultés, qualifiés de futurs
chômeurs dont les étudiants de Sciences Po auraient à payer le RMI. Cette
violence symbolique traverse déjà donc différents segments de la société et
ne peut qu'attiser la rébellion de ceux qui se sentent ainsi bafoués par une
nouvelle morgue aristocratique. Les étudiants venaient chercher des alliés,
ils ont rencontré des ennemis.

Mais le "nous" des opprimés n'est pas constitué uniquement des précaires,
chômeurs, ou futurs chômeurs, il est constitué des classes moyennes qui sont
précarisées, des classes lettrées qui manifestent et se mettent en grève
pour défendre une certaine conception de l'université et des savoirs. Il est
constitué de tous ceux qui, finalement, se sentent floués et réclament
"justice". A ce titre, les mouvements sociaux de cet hiver et de ce
printemps sont déjà dans la tentation naturelle de refaire 1793. Ils veulent
plus de justice et pour l'obtenir affirment que, malgré les résultats
électoraux, ils incarnent le souverain légitime.

Cette tentation naturelle du point de vue du président de la République,
c'est celle de "l'égalitarisme", terme disqualifiant le fondement même de la
démocratie : l'égalité. Ce supposé égalitarisme viserait à empêcher ceux qui
ont le mieux réussi en termes de gains de richesse, de pouvoir pleinement
bénéficier de cette richesse. Le bouclier fiscal serait une loi protectrice
contre l'égalitarisme. Ici, refaire 1793 supposerait de refuser ce faux
débat. Pendant la Révolution française, l'épouvantail brandi par les riches
s'appelle "loi agraire", une volonté supposée de redistribuer toutes les
terres. Robespierre, le 24 avril 1793, en rejette l'idée : "Vous devez
savoir que cette loi agraire dont vous avez tant parlé n'est qu'un fantôme
créé par les fripons pour épouvanter les imbéciles ; il ne fallait pas une
révolution pour apprendre à l'univers que l'extrême disproportion des
fortunes est la source de bien des maux et de bien des crimes. Mais nous
n'en sommes pas moins convaincus que l'égalité des biens est une chimère. Il
s'agit bien plus de rendre la pauvreté honorable que de proscrire
l'opulence".

Le 17 juin 1793, il s'oppose à l'idée que le peuple soit dispensé de
contribuer aux dépenses publiques qui seraient supportées par les seuls
riches : "Je suis éclairé par le bon sens du peuple qui sent que l'espèce de
faveur qu'on veut lui faire n'est qu'une injure. Il s'établirait une classe
de prolétaires, une classe d'ilotes, et l'égalité et la liberté périraient
pour jamais."

Une loi, aujourd'hui, a été votée pour agrandir cette classe d'ilotes, mais
le gouvernement refuse que l'impôt sur les immenses richesses puisse venir
en aide aux "malheureux". Le pacte de la juste répartition des richesses
prélevées par l'Etat semble avoir volé en éclats quand les montants des
chèques donnés aux nouveaux bénéficiaires du paquet fiscal ont été connus :
les 834 contribuables les plus riches (patrimoine de plus de 15,5 millions
d'euros) ont touché chacun un chèque moyen de 368 261 euros du fisc, "soit
l'équivalent de trente années de smic". Une dette de vies.

Lorsque Jérôme Cahuzac, député du Lot-et-Garonne, affirme qu'il est
"regrettable que le gouvernement et sa majorité soient plus attentifs au
sort de quelques centaines de Français plutôt qu'aux millions d'entre eux
qui viennent de manifester pour une meilleure justice sociale", il retrouve
en effet le langage révolutionnaire. Ainsi le cahier de doléances du
Mesnil-Saint-Germain (actuellement en Essonne) affirme : "La vie des pauvres
doit être plus sacrée qu'une partie de la propriété des riches."

Certains, même à droite, semblent en avoir une conscience claire quand ils
réclament, effectivement, qu'on légifère contre les bonus, les stock-options
et les parachutes dorés. Ils ressemblent à un Roederer qui, le 20 juin 1792,
rappelle que le bon représentant doit savoir retenir la violence plutôt que
l'attiser. Si le gouvernement est un "M. Veto" face à ces lois attendues,
s'il poursuit des politiques publiques déstabilisatrices, alors la
configuration sera celle d'une demande de justice dans une société divisée,
la justice s'appelle alors vengeance publique "qui vise à épurer cette dette
d'honneur et de vie. Malheureuse et terrible situation que celle où le
caractère d'un peuple naturellement bon et généreux est contraint de se
livrer à de pareilles vengeances".

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